RASADOR José (Joseph) (ténor) (Chatelineau 1935 - Auvelais 2017)

José Rasador s’en est allé donner de la voix parmi les anges. Cet infatigable chanteur d’opérettes a reçu toute sa vie des tonnerres d’ovations.

Dompteur des gammes, «arpégiste» étoile, Raza: ainsi surnommait-on ce Sambrevillois repéré par Raymond Rossius, alors directeur de l’opéra de Wallonie. Nous l’avions rencontré à la mi-juin, dans sa maison de la rue de la Principauté, à Auvelais, parce qu’il voulait se séparer d’une cinquantaine d’albums de partitions, ainsi qu’une garde-robe de costumes bariolés bien rangés dans son grenier.

«Qu’en faire à présent?» disait-il, lui qui s’en était paré toute sa vie pour le bonheur des foules. Il a arrêté de chanter le 1er janvier 2000, repu de ses lauriers, parce qu’il lui devenait impossible de porter sa voix dans les notes aiguës, après quelque 40 ans de tour de chants, à l’avoir portée au plus haut possible.

Né à Châtelineau, en Belgique, de parents italiens arrivés pendant l’entre-deux-guerres, Joseph Rasador – c’est son prénom réel – n’a que quinze ans lorsqu’il enfile son tablier de tourneur.

Quel destin pour cet homme ordinaire qui commença sa vie professionnelle humblement, en bleu de travail, et qui se mit ensuite à virevolter d’opérette en opéra! Quelle vie! Grâce à sa voix exceptionnelle de ténor, l’ancien ouvrier tourneur des ateliers HMS est catapulté 1er ténor à l’opéra royal de Wallonie, à Liège, où il reste 20 ans. «Pourtant, je n’y connaissais rien. Je dois tout à ma voix» nous avait-il dit. Ainsi, à Liège, il jouera d’affilée 30 représentations du «Pays du sourire», une opérette de Franz Lehar, l’une des plus connues et qu’il a le plus chantée, plus ou moins 300 fois, partout en France. «Le public était fou.» Ovation debout, à chaque fois, pour des prestations épuisantes. Carmen, c’est 5 actes et 4 heures en scène.

L’opéra, son usine

S’ensuivra des centaines de soirées glorieuses sous les ors des plus grands opéras d’Europe. Il est allé de triomphe en triomphe, en compagnie de Carmen, de Faust, de la Veuve joyeuse, du Barbier de Séville ou encore de la Belle de Cadix.

L’opérette disait-il est d’un genre léger qui n’en demande pas moins de souffle. Il parlait d’un effort physique terrible, concentré sur les cordes vocales. Il fallait tenir le coup sur scène. C’est la meilleure école qui soit. L’antichambre de l’opéra. Alors, avec Jacques Grosjean, directeur musical, et Éric Romain, ex-arbitre de football, il relance l’opérette sous les balcons du Théâtre de Namur. Ce projet, «Opérette 2000», a fait un tabac.

Le trac, il ne l’a pas connu. « D’abord, j’avais confiance en ma voix. Elle ne m’a jamais lâché nous confiait-il en juin. J’avais travaillé en usine, où l’on ne peut avoir le trac. Et j’ai toujours pris l’opéra comme l’usine, et le public faisait partie de l’usine.»

Nous ne savons pas si José Rasador est parvenu à vendre ses anciennes partitions aux grosses couvertures rouges. Ou ses costumes chamarrés, pailletés ou rutilants. Mais la belle histoire de sa vie s’est achevée. Un beau livre de belles histoires s’est refermé. Lui qui a beaucoup voyagé, et chanté avec ivresse, et suspendu à sa voix d’or des foules vibrantes de spectateurs enthousiastes, s’est éteint sans bruit, à Auvelais, pays de ses premiers sourires d’enfant.

Article tiré du Vers l'Avenir de 18/11/2017

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